Avec la fin, le jeudi 20 août 2015, du financement par l’Union européenne du projet d’assainissement de la ville de Kinshasa, une question demeure : les déchets seront-ils ramassés et que sera l’image de la capitale? Tous les éboueurs vêtus de salopette de couleur verte risquent de disparaître dans les rues de Kinshasa. Motif : le financement du projet d’assainissement de la ville de Kinshasa prend fin ce jeudi 20 août. Quelle image de la ville présentera-t-elle après ce projet? Que deviendra alors la ville?
Imaginez…
Vous terminez de manger à la hâte votre repas de midi au bord de la rue, un chawarma de poulet accompagné d’une bouteille de jus. Il y a un pousse-pousseur qui ramasse la poubelle d’un malewa à côté. Vous en profitez pour jeter l’emballage papier et la bouteille en plastique dans son chariot. Vous savez qu’il va amener tous ces déchets à la station de transfert la plus proche, où est marquée “Awa Bobwaka Matiti Ofele.” Là un camion viendra prendre et amener ces déchets loin, plus loin que Ndjili, jusqu’à Mpasa pour l’enterrer. Vous êtes donc sans soucis. Mais si le camion ne venait jamais? La station se transformerait en une montagne d’immondices qui amènerait dans tout le quartier des moustiques, des mouches, des rats, des maladies, sans oublier les mauvaises odeurs.
Ce scénario se répèterait à travers les 61 stations de transferts, distribuées dans 9 communes de Kinshasa, notamment Barumbu, Kinshasa, Gombe, Lingwala, Kintambo, Bandalungwa, Ngiri-Ngiri, Kasa-vubu et Kalamu.
“Le projet [d'assainissement] devait fermé l’année passée, mais la ville a dit qu’elle n’avait pas les moyens.” explique M. Apollinaire Mukanya Mpopola, gestionnaire de projets pour l’Union Européenne. “Pour que le projet continue encore une année, l’Union Européenne a ajouté $10 million.”
En 2007, l’Union Européenne avait vu le besoin d’un projet d’assainissement pour la ville de Kinshasa. Alors ils ont créé PARAU, le nom actuel du programme urbain de travaux routiers et d’assainissement. La section assainissement a 3 volets: le ramassage des déchêts solides, car la population avait des ordures ménagères qu’ils ne savaient pas où jeter; la réhabilitation des canivaux pour éliminer les eaux stagnantes; et l’apport d’eau potable pour venir en aide à des populations vulnérables.
Pour gérer ce projet d’assainissement, l’Union Européenne dépense en moyenne $1 million par mois. En 8 ans, l’Union Européenne a dépensé $74 million. Ce 21 août, l’organisation européenne arrêtera tout. Elle ne fera plus rien. La gestion du projet PARAU sera déléguée à la ville de Kinshasa, y compris tous les bacs, les 36 camions multibennes, les sites de transferts à gérer, etc. Ça sera la ville de Kinshasa qui sera entièrement responsable pour sa propreté. Donc pour que la ville puisse prendre la relève de PARAU, il lui faut ce budget de $1 million chaque mois, soit $20 par personne par an.
“Dans le budget [de la ville] il n’y a rien pour l’assainissment.” Ajoute Mr. Mukanya de l’E.U. “Ce n’est pas une priorité du gouvernement.”
La ville se défend.
“Vous voyez les gens qui nettoient les rues?” Dit le professeur Biey Makaly, qui depuis 2004, travaille dans l’assainissement pour l’hôtel de ville. “Ça, c’est la ville et le gouvernement de la République qui s’occupent de l’assainissement. Donc dans cette gestion de déchets, il n’y a pas que l’évacuation.”
Le professeur Biey est directeur général de la Régie d’Assainissement et des Travaux Pratiques de Kinshasa, en abrégé RATPK, depuis sa création en 2008. En d’autres mots, la RATPK est la structure technique de l’hôtel de ville de Kinshasa qui s’occupe de l’assainissement, l’environnement et les travaux publiques. Pour le professeur Biey, les déchets, il s’y connait! Il a un doctorat en Sciences de l’environnement et enseigne à l’Université de Kinshasa.
Depuis le vendredi 21 août 2015, il est le gérant absolu de l’assainissement de Kinshasa,le gérant absolu de l’assainissement de Kinshasa; une ville de 12 millions d’habitants occupant 2.500 km2 sur les 10.000 km2 de la ville. Le professeur est bien conscient du travail qui se dresse devant lui.
”Nous sommes tous entassés sur un espace assez réduit et ça crèe des problèmes.” Il dit. “Notamment, il y a le problème de production de déchets. Chaque jour, les kinois produisent 6000 tonnes de déchets.”
Parmi les déchets, 42% sont des déchets organiques, 18% sont du plastique et 11% du papier, cartons et autres emballages. En effet, le directeur général à la RATPK reconnait le besoin financier pour garder la ville propre.
“Dans le budget 2015 de la ville, la prise en charge du projet PARAU n’a pas été reprise.” Admet le professeur Biey. “Ce qui fait que la ville doit trouver [l'argent] quelque part.”
La ville se mobilise pour prendre la relève. Après les négociations menées par le D.G., la ville et le gouvernement central ont décidé de participer en partie. La ville a choisi de prélever cet argent de son budget d’investissement.
“Le gouvernement central contribuera 75% et la ville 25%,” explique le professeur Biey. “Cet arrangement permettra la continuation ininterrompue des travaux d’assainissement, notamment de l’évacuation des déchets.”
Il faut préciser que le budget de la RATPK est d’un total de $2.2 million par mois car le bureau gère aussi tous les organismes à Kinshasa qui s’occupent de la propreté publique, de la lutte anti-vectorelle, de la collecte de déchets dans les ménages, et de la vidange de fausse septique.
“Les ONGs nous coûtent à peu près $1,2 million chaque mois.” Dit Professeur BIEY. “Et le projet PARAU aussi dépense presque la même chose chaque mois.”
PARAU est comme une entité indépendante et auto-financée qui collabore avec la RATPK. La RATPK est provisoirement située sur l’avenue Okitundu. Leur siège est en pleine reconstruction avec l’aide financière de l’Union Européenne (c.à.d. de PARAU). Ils pourront ré-aménager l’année prochaine.
“Le projet PARAU a eu un impact perspectif. Il a collecté [les déchets] en vrac et les enterrent en vrac.” Dit Jean Mukunu, qui assume l’intérim du Directeur des études à la RATPK. “Ce n’était pas dans la perspective de valorisation, mais on devait aller avec parce qu’il fallait éliminer.”
PARAU a mené des enquêtes pour analyser l’impact du projet. Maurizio Filippi, le coordonnateur principal du projet PARAU, explique les résultats de leur enquêtes:
“Il y a eu une baisse d’incidents de maladies de presque 70% dans les anciennes zones où nous avons commencé et 40% de baisse pour les nouvelles communes.”
“Notre intervention était de nettoyer. Nous sommes un projet,” Continue M. Filippi. “Nous ne visons pas à nous substituer à l’état.”
Question : à la veille du changement de l’équipe de management, la nouvelle équipe sera-t-elle en mesure de faire face à ce travail qui demande énormément d’attention et de rigueur?
“Tout le personnel PARAU, ce sont des compatriotes.” le professeur BIEY explique. “La plupart ont accepté de transférer à l’équipe congolaise de RATPK.”
Le DG Biey assure que l’équipe de PARAU gardera ses même bénéfices. Mais, le chauffeur de camion à PARAU gagne entre 300 et 400 Euros.
“Je ne connais pas une entreprise locale qui paie 300 Euros,” déclare Jean-Paul Muengie, le coordonnateur principal adjoint du PARAU.
En effet, Jean Mukunu de la RATPK admet que cela sera un challenge.
“Chez nous ici, le chauffeur a à peine $100.” Il déclare. “Quand il n’y a pas de budget, on ne sait pas payer les gens. Mais nous y sommes et on y croit.”
Mais la question se pose toujours: les camions, viendront-ils chercher nos poubelles demain?
“Chacun va faire ce qu’il a toujours fait.” Commente le DG Biey de la RATPK sur la fin du programme européen d’assainissement le 21 août. “Sauf [il y aura] changement de tenue. Les ouvriers ne porteront plus le vert de PARAU, mais plutôt le jaune de la ville. L’uniforme est inclu dans le budget préparé.”